Art. 40. — 70. Les effets de l'indivision indiqués aux deux articles précédents ne sont pas sans de grands inconvénients: il peut se rencontrer souvent des occasions de conflit entre les copropriétaires; en outre, les biens indivis se trouvent longtemps retirés de la circulation, car les copropriétaires auront de la peine à se mettre d'accord pour les conditions d'une vente totale, et, si un ou plusieurs d'entre eux veulent vendre leur part indivise, ils trouveront peu de personnes disposées à accepter une situation précaire (g), aléatoire (h), subordonnée au résultat du partage.
Pour remédier à ces inconvénients, la loi française, suivie ici par le Projet japonais, permet à tout copropriétaire d'exiger le partage des biens indivis (voy. c. civ. fr., art. 815).
Une convention qui aurait pour but de soumettre les copropriétaires à l'indivision perpétuelle, ou pendant leur vie, ou même pendant plus de cinq ans, serait nulle, comme contraire à l'ordre public: toutefois, elle vaudrait pour cinq ans, parce que l'intention des parties peut recevoir valablement cet effet.
Le droit laissé aux copropriétaires de se soumettre à l'indivision pendant cinq ans est aisé à justifier. Il est souvent difficile de diviser les biens en nature: on est alors obligé de les vendre, pour en partager le prix; or, il pourrait être nuisible de vendre, dans certaines circonstances où les biens sont dépréciés; les parties feront donc sagement de s'interdire, respectivement, pendant cinq ans, ou moins, un partage qui pourrait nuire aux unes et aux autres; sauf à renouveler la convention.
En France, on discute sur le point de savoir si l'interdiction de partager pourrait être imposée pendant cinq ans par un testateur, dans le testament où il léguerait son bien à plusieurs personnes. Il ne faut pas hésiter à lui refuser ce droit et à n'admettre qu'une convention directe entre les intéressés: c'est le seul cas où l'on puisse espérer que l'intérêt des copropriétaires, mûrement considéré par eux-mêmes, leur fera apporter tous les ménagements possibles pour vivre, pendant cinq ans, sans contestations et sans procès.
Il faudra décider de même au Japon; aussi la loi ne parle-t-elle que de " convention; " en outre, la faculté de renouveler le délai, de cinq ans en cinq ans, prouve qu'il ne peut s'agir d'un testament, lequel ne peut se renouveler.
S'il s'agissait d'une donation faite à plusieurs personnes et soumise par le donateur à la condition que les copropriétaires resteront dans l'indivision pendant cinq ans, il n'y aurait pas la même diff culte: les donataires, ayant dû tous accepter la donation avec cette clause, sont considérés comme s'étant liés entre eux pour cinq ans, en conformité avec la volonté du donateur.
Dans tous les cas, si la condition avait été établie pour plus de cinq ans, on devrait la considérer comme réduite, de plein droit, à ce délai.
La loi excepte de la règle que " nul n'est tenu de rester dans l'indivision " les cas de mitoyenneté: il est clair que les biens mitoyens, servant à l'usage ou à la clôture de propriétés distinctes, ne pourraient être partagés sans pëÉdËe- tôüté leur utilité. Que seraient, par exemple, un mur ou un puits divisés en deux parties, et même une cour commune ? Chaque partie ne serait, le plus souvent, d'aucun service sans l'autre.
Il sera longuement parlé de la mitoyenneté au Chapitre des Servitudes (art. 270 et suiv.).
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(g) Précaire, du latin prex, " prière;" parce que le droit dépend des autres.
(h) Aléatoire, du latin: alea, " dé à jouer, hasard;" le droit dépend des hasards du partage.