Art. 37. — 66. Le droit de revendication est quelquefois inséré dans la définition du droit de propriété; il s'ajoute ainsi aux trois autres droits déjà énoncés à l'article 31.
Le Code français parait avoir adopté cette idée, en partie, lorsqu'il a énoncé l'action en revendication d'un immeuble comme étant un droit immobilier (art. 526).
Cette théorie n'est pas très exacte: l'action en revendication n'est pas un droit proprement dit, elle est l'exercice du droit réel contre un usurpateur; il n'est pas plus exact de voir dans la revendication un des droits composant la propriété que de voir dans l'action personnelle du créancier contre le débiteur un des éléments du druit de créance: l'action n'est pas le droit, mais la sanction du droit, le moyen de le faire valoir.
Mais, cette réserve étant faite, pour l'exactitude de la théorie, il est bon que la loi proclame que le propriétaire peut revendiquer sa chose dans toutes les mains où elle se trouve indûment: si ce n'est pas un élément du droit de propriété, c'en est un effet trop considérable pour ne le pas signaler (comp. art. 2).
L'action en revendication cesse devant la prescription, c'est-à-dire devant une présomption légale d'acquisition légitime fondée sur une possession. plus ou moins prolongée.
Ce n'est pas encore ici le lieu de s'arrêter sur les caractères et les conditions de la prescription déjà mentionnée: elle aura une large place, au Livre V°; on va d'ailleurs la retrouver et s'y arrêter un peu, à l'article 45.
L'action en revendication prend un nom particulier, lorsqu'elle a pour obj-et de soustraire la chose à une servitude personnelle ou réelle indûment exercée, ou usurpée. Dans ce cas, comme le propriétaire possède encore son fonds, on ne peut pas dire qu'il le revendique, qu'il tend à le reconquérir: il en réclame seulement la liberté, l'affranchissement; dès lors, il n'affirme pas son droit de propriété, puisque ce droit n'est pas contesté: il conteste, il dénie le droit de servitude prétendu par un autre. De là, le nom d'action néga- toire, d'origine toute romaine. Il sera encore question de l'action négatoire au sujet de l'usufruit (art. 70) et des servitudes foncières (art. 288) (l).
67. Le propriétaire d'un immeuble, privé de la possession de sa chose, n'est pas toujours obligé d'exercer l'action en revendication qui présente des difficultés de preuve et, par suite, des dangers, si elle est engagée prématurément: il peut aussi exercer les actions pos- sessoires, comme le lui permet le présent article et comme on le verra avec détails au sujet de la Possession (art. 212 et suiv.).
Quelques mots d'explication sont nécessaires, par anticipation, pour l'intelligence de cette disposition.
L'action en revendication dont il a été parlé d'abord porte le nom de pêtitoire, par opposition aux actions possessoires. L'action pétitoire tend à faire juger que le demandeur a vraiment le droit de propriété (f); l'action possessoire tend seulement à faire reconnaître que le demandeur, en fait, exerce le droit de propriété (ce qu'on appelle posséder); l'action pétitoire fait juger le fond du droit, l'action possessoire n'en fait juger que la possession, l'exercice de fait.
Au surplus, il y a plusieurs actions possessoires: les deux principales sont l'action en complainte et l'action en i-éintég?-aiide: la première est donnée lorsque le demandeur possède encore la chose objet du procès, mais est inquiété, troublé et craint une dépossession prochaîne: elle tend à conserver la possession; la seconde, a lieu lorsque le demandeur ayant possédé pendant un temps quelconque, a été dépossédé depuis un temps assez court (moins d'un an): elle tend à lui faire recouvrer la possession perdue, sans soulever la question du fond du droit (voy. art. 214 à 216 bis).
L'action négatoire donnée au propriétaire pour contester les servitudes prétendues, pourrait être employée de même, soit ait pétitoire ou au fond, soit au possessoire, en soumettant seulement au juge les faits de possession du demandeur et de trouble ou d'usurpation du défendeur.
Toute action, étant un recours à l'autorité judiciaire, suppose une compétence déterminée et des formes précises de procédure: la loi renvoie, à cet égard, à la Loi organique des Cours et Tribunaux et au Code spécial de Procédure civile (2).
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(l) L'action négatoire n'était pns mentionnée dans l'ancien texte; c'était une omission qu'on a dû réparer: il ne fallait pas attendre l'article 288 pour savoir que si un propriétaire est troublé par l'exercice d'une servitude, ce n'est pas par l'action en revendication qu'il la contestera.
(f) Le mot pêtitoire, du latin petere, " demander " n'a pas, par lui-même, un sens assez déterminé; mais il est consacré, avec le sens donné ci-dessus, par toutes les législations qui se sont inspirées du droit romain.
Du reste, elle se donne pour faire juger l'existence, att fond, non seulement de la propriété, mais de la plupart des autres droits réels.
(2) La Loi organique des Cours et Tribunaux est du 10 février 1890, 23e année de Meiji. Le Code de Procédure civile vient d'être promulgué, en même temps que le Code Civil et le Code de Commerce (21 avril 1890).