Art. 9 et 10. -18. Les choses dont il s'agit ici sont mobilières par leur nature; c'est la volonté ou l'intention de l'homme qui leur donne le caractère d'immeuble, en les attachant à un immeuble par nature.
Quatre conditions sont, pour cela, exigées par l'article 9:
1° Il faut qu'elles soient attachées à l'immeuble par le propriétaire dudit immeuble ou par celui qui a sur l'immeuble un droit réel de jouissance, comme un locataire, un usufruitier, un usager;
2° Il faut qu'elles soient elles-mêmes la propriété de celui qui les a attachées: celui qui aurait attaché à son fonds des objets ne lui appartenant pas, ne les aurait pas immobilisés;
3° Il faut que l'attache, dans l'intention du propriétaire du sol, soit ou à perpétuité ou, du moins, sans durée fixée, et, s'il s'agit du titulaire d'un droit temporaire, qu'elle soit pour la durée de son droit, ou aussi sans durée fixée;
4° Il faut que les choses demeurent sur le fonds: un déplacement accidentel, même sans la volonté du propriétaire, leur ôterait le caractère immobilier. Ce caractère cesserait aussi, si les choses, sans être déplacées, étaient changées de destination (4).
18 bis. L'énumération que fait la loi, dans l'article 10, n'a évidemment rien de limitatif. La loi ne fait, d'ailleurs, que présumer l'intention du propriétaire, d'après la nature des objets et l'usage ordinaire auquel ils sont consacrés, et cette présomption peut être combattue par la preuve contraire; ce n'est pas une présomption absolue, c'est ce qu'on appelle, dans la théorie des preuves, une présomption simple (v. art. 1424). Pour les objets non prévus par la loi, la présomption légale cesse, mais la preuve directe serait toujours permise.
Il est à peine nécessaire de reprendre chacun des alinéas de l'article 10; on ne fera que les justifier brièvement.
1° Les bêtes de somme sont les chevaux, ânes ou mulets qui portent des fardeaux sur leur dos, à l'aide d'appareils appelés bâts, auxquels on attache des sacs, paniers, baquets; les bêtes de trait sont les mêmes, plus les boeufs, que l'on attelle à des chariots ou à la charrue.
Ces animaux sont nécessaires aux grandes exploitations agricoles: l'usage s'en étendra, au Japon, avec les développements de la grande culture.
2° Les moutons, bœufs et vaches sont quelquefois mis sur les fonds pour engraisser les terres par leur fumier; sans doute, ils seront vendus, au bout d'un certain temps et remplacés par d'autres; mais quand ils ne sont pas mis sur le fonds comme élevage de bétail, quand ils ne sont pas eux-mêmes l'objet de cette industrie agricole, ils sont immeubles, comme accessoires du fonds. Il en serait autrement du bétail qu'un propriétaire élèverait sur son fonds, en plus ou moins grand nombre, pour le vendre périodiquement et le remplacer par le croît: ces animaux seraient meubles.
3° Les charrues, pioches, outils de culture et de jardinage sont nécessaires au labour des terres et à l'entretien des jardins, lesquels seraient improductifs sans ces moyens de travail, de même que ces instruments seraient inutiles sans une terre à cultiver.
4° Les propriétaires de terres ont toujours un certain approvisionnement de semences, pailles et engrais, qui sont un accessoire obligé du fonds; le plus souvent, ils proviennent du fonds lui-même: mais, lors même qu'ils auraient été achetés ou proviendraient d'un autre fonds, ils n'en seraient pas moins immeubles.
5° L'élevage des vers à soie est une des grandes, industries agricoles du Japon: les graines de vers, conservées d'une année à l'autre pour la reproduction, sont assimilées aux semences destinées à la terre; bien entendu, il faut, comme le dit le texte, qu'il s'agisse d'une magnanerie, c'est-à-dire d'un établissement consacré à cette industrie.
6° L'usage n'est pas, au Japon, de tenir les vignes à la hauteur de 3 ou 4 pieds, comme en France, ce qui y nécessite des échalas ou supports que l'on place après la pousse du printemps et que l'on retire après la vendange: au Japon, les vignes sont laissées à un plus grand développement, et leurs supports sont généralement fixes; m ais la culture de la vigne se modifiera, sans doute, avec l'introduction des espèces étrangères, et l'usage des échalas mobiles s'y introduira aussi; ils seront immeubles par destination.
7° L'industrie des distilleries est encore une de celles qui prendront de l'extension au Japon. Déjà on y fabrique des sakés et bières; plus tard, on y fabriquera des vins et liqueurs; pour que les objets ici désignés soient immeubles, il suffit qu'ils soient destinés à transformer les produits du fonds auquel ils sont attachés.
8° Ici, les appareils, machines et ustensiles sont supposés employés à transformer des matières premières venant du dehors; pour qu'ils soient immeubles, il faut qu'ils soient placés dans un établissement construit ou disposé spécialement pour cette industrie; autrement, ils resteraient meubles.
Ainsi, les métiers d'une filature, les chaudières d'une papeterie, les appareils d'une fonderie, seront généralement considérés comme immeubles, parce que les bâtiments sont disposés spécialement pour ces industries compliquées; au contraire, les presses et ustensiles d'une imprimerie seront meubles, parce qu'une imprimerie peut se transférer facilement d'un local dans un autre, sans qu'il y ait à disposer les lieux d'une manière particulière.
Les matières premières se trouvant dans l'établissement restent meubles, ainsi que celles transformées en objets nouveaux par l'industrie.
9° Quand une propriété est voisine d'un cours d'eau ou d'un lac, il arrive souvent que le propriétaire y établit un bain flottant, qui s'élève ou s'abaisse naturellement, suivant l'abondance ou la rareté de l'eau; souvent aussi, il attache à la rive un bateau d'utilité ou d'agrément: le bateau devient alors un accessoire de l'immeuble; mais, comme le texte le dit, par emprunt au Code italien, il n'est pas nécessaire que les eaux appartiennent au même propriétaire: elles pourraient être publiques.
10° et 11°Les ornements des jardins ou des maisons, énumérés à ces alinéas, sont de par agrément, mais ils sont considérés comme faisant partie intégrante de l'immeuble, par l'intention du propriétaire; on devra décider de même pour des objets qui pourraient se déplacer sans détérioration, s'ils avaient été établis dans des dimensions exactement adaptées aux lieux; comme des caisses de fleurs, des gradins dans une serre; seulement, en- pareil cas, ce ne serait plus par présomption légale, mais par présomption de fait.
12° Les objets dont parle cet alinéa sont des compléments naturels des habitations japonaises; comme ils ne sont pas aussi nécessaires que les fermetures extérieures, ils ne sont pas immeubles par nature, ils ne le sont que par l'intention présumée du propriétaire, et encore la loi subordonne-t-elle cette présomption d'intention à la circonstance qu'il n'y ait pas d'autres meubles et que, par conséquent, la maison soit inhabitée, ou qu'elle soit habitée par un autre que le propriétaire: àutrement, si celui-ci habitait, il n'y aurait pas de raison suffisante de distinguer ces objets des autres meubles garnissant sa maison.
13° Les matériaux qui ne sont que momentanément déplacés pour une réparation d'immeuble doivent être considérés comme appartenant encore à l'immeuble; mais ils ne sont plus immeubles par nature: ils le sont par l'intention du propriétaire (k).
14° Les trois sortes d'animaux prévus par cet alinéa sont des accessoires des immeubles, car ils ne pourraient guère exister séparément.
19. Il n'est pas hors de propos de signaler ici l'utilité des deux articles précédents: elle se rencontre surtout lorsqu'il y a aliénation d'un immeuble. Il arrive souvent que les parties négligent de s'expliquer sur le point de savoir si ces objets sont compris ou non dans la vente, et la difficulté naît au moment de la livraison. Grâce aux désignations que fait la loi, on décidera que tous les objets énumérés aux deux articles précédents sont considérés comme accessoires de l'immeuble et compris dans l'aliénation, s'il n'y a convention contraire (v. Proj., art. 643).
Il y a encore intérêt pour la saisie des biens: tous les objets compris dans les deux articles précédents ne pourraient être saisis comme meubles, ils ne pourraient l'être qu'avec l'immeuble (C. fr., art. 2204).
De même, étant accessoires d'un immeuble, ils ne pourraient être hypothéqués séparément de l'objet principal (Tb., art. 2218).
Au contraire, ils pourraient être vendus séparément ou donnés en gage, comme meubles, par le propriétaire, lequel pourrait -de même vendre, par parties, les matériaux de sa maison, les arbres de son jardin, ses ustensiles agricoles ou industriels.
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(4) Cette quatrième condition manquait à l'ancien texte.
(k) Il ne faudrait pas, du reste, considérer cette disposition comme contraire à celle de l'article 532 du Code français: cet article ne suppose pas un déplacement momentané des matériaux, mais une démolition définitive ou de nouveaux matériaux préparés pour une construction.