57. Si l'usufruit comprend des valeurs mobilières dont on ne peut user et jouir sans les consommer, comme l'argent comptant, les grains, vins et autres denrées, l'usufruitier peut les consommer ou les aliéner à charge de rendre, à la fin de l'usufruit, pareilles quantités et qualités, ou leur valeur; si l'estimation en a été faite au commencement de l'usufruit.
La même règle s'applique aux marchandises composant un fond de commerce soumis à l'usufruit et aux autres choses fungibles déterminées à l'article 18 des Dispositions générales.
Si le droit de l'usufruitier n'était pas modifié à l'égard des choses qui se consomment par le premier usage, il serait sans utilité réelle; ces choses ne donnent pas de fruits ou produits périodiques, l'usage même ne se comprend pas distinct du droit de disposer, le droit de l'usufruitier serait nul s'il ne devenait un droit de disposer;l'argent même qui donne dos fruits civils n' a cet effet que s'il est aliéné par un prêt à intérêts.
Il a donc fallu permettre à l'usufruitier do disposer des choses dites “ de consommation.” Mais, nécessairement, il doit, à la fin de l'usufruit, rendre pareille quantité et qualité en nature ou pareille valeur en argent.
La loi ne laisse pas à l'usufruitier le choix du modo do restitution; elle ne l'accorde pas non plus au nu-propriétaire: elle le subordonne à la circonstance qu'il a été fait, ou non, une estimation des choses usufructuaires. C'est la solution admise par la jurisprudence française, suivant en cela la théorie romaine, en l'absence d'un texte suffisamment précis.
Le bénéfice pour l'usufruitier est toujours le même que lorsqu'il s'agit d'un corps certain: il a eu le profit do l'intérêt de l'argent pendant la durée do l'usufruit: cela est évident, si l'usufruit portait directement sur une somme d'argent: s'il portait sur des denrées, il n' a à en payer la valeur ou le prix d'achat qu' à la fin de l'usufruit; jusque-là, il conserve son argent dont il profite.
Les marchandises composant un fond de commerce no sont pas toujours de nature à se consommer par le premier usage: ce sera même le cas le moins fréquent, par exemple, des étoffes, des chaussures, des ustensiles de maison; mais ces marchandises sont destinées à être vendues par l'usufruitier du fond de commerce. S'il no pouvait les vendre, l'usufruit serait inutile pour lui.
Dès lors, il rendra pareille quantité et qualité de marchandises ou, si elles ont été estimées, ce qui sera le plus fréquent, il rendra l'estimation.
Le droit de l'usufruitier devenant, dans ce cas. un véritable droit de propriété avec obligation de rendre l'équivalent, on lui a donné, d'après le droit romain, le nom de quasi-usufruit.