Art. 56. — 86. L'expression fruits civils est assez heureuse, comme opposition aux fruits naturels: ce sont des fruits de pure création de la loi et du droit; ils ont la périodicité des fruits naturels, celle-ci est même plus régulière, et ils les rem placent pour le propriétaire ou pour l'usufruitier. Ils proviennent d'obligations contractées par des tiers en compensation de la jouissance en nature qui leur est accordée; le 26 alinéa fait l'énumération des principaux fruits civils.
La loi ne pouvait faire dépendre l'acquisition des fruits civils pour l'usufruitier du moment où les tiers débiteurs en feraient la prestation ou le payement: c'eût été exposer l'usufruitier à perdre les fruits qui n'auraient été fournis qu'après la fin de l'usufruit.
Au contraire, elle aurait pu admettre que les fruits civils s'acquierraient pour l'usufruitier au jour où le payement en serait échu ou exigible, de sorte qu'il aurait la prestation toute entière, si elle venait à échoir pendant que son usufruit dure, et qu'en sens inverse, il n'en aurait rien, si l'usufruit s'était éteint auparavant. Mais la loi, avec raison, n'est pas favorable aux solutions qui font dépendre du hasard les profits et les pertes; elle ne s'y résigne que lorsque c'est le seul moyen d'éviter des complications et des contestations; c'est ce qu'elle a dû faire pour l'acquisition des fruits naturels que l'usufruitier gagnera ou perdra, quelquefois, par un par effet du hasard, suivant que son droit durera quelques jours de plus ou quelques jours de moins.
Mais pour les prestations en argent qui constituent les fruits civils, il est évident que, théoriquement, celui qui les doit pourrait et devrait, à la rigueur, les payer chaque jour et presque à chaque moment. Pratiquement, ce serait impossible; on a donc dû admettre des payements périodiques, des échéances, plus ou moins éloignées. Mais, lorsqu'il s'agit de savoir quelle part en reviendra à l'usufruitier et au nu-propriétaire, quand l'usufruit commence et quand il finit, on ne peut pas trouver de solution plus équitable que celle qui divise ces prestations jour par jour et les fait acquérir à chacun en proportion du temps qu'a duré son droit.
Il faut reconnaître aussi que les prestations en argent se prêtent très-aisément à cette division exacte, tandis que les fruits naturels ne le pourraient pas; c'est pourquoi la règle des fruits civils ne s'applique, pas si les prestations dues par des tiers doivent se faire en denrées, comme dans le "bail à part de fruits ou colonage.