Art. 1441. — N° 278. Si la loi ne définissait pas l'Interruption de la prescription, le nom seul ne ferait pas assez voir, au premier abord, en quoi elle diffère de la Suspension, car les deux mots ont, dans la langue vulgaire, au moins en français, à peu près le même sens: ainsi, on dira indifféremment, " interrompre ou suspendre un travail, un discours, un voyage," et dans les deux cas, quand l'interruption ou la suspension prend fin, certes on ne recommence pas, depuis le début, le travail, le discours ou le voyage.
Mais, en matière de prescription, on dit que son cours est interrompu, lorsque le temps qui en a déjà couru demeure sans effet et qu'il faut le compter à nouveau en entier; tandis que lorsqu'il y a suspension, ce n'est qu'un temps d'arrêt, plus ou moins long, mais après lequel on recommence à compter le temps depuis le moment où l'on s'était arrêté (v. art. 1465).
On ne pourrait pas poser en règle que l'un de ces deux accidents, arrivé au cours de la prescription, lui soit plus défavorable que l'autre: cela dépendra de la durée normale de la prescription dans les différents cas et de certaines circonstances qui peuvent varier dans chacun d'eux.
Ainsi, s'il s'agit d'une longue prescription et qu'elle soit sur le point de s'accomplir, il est certain qu'une interruption sera plus nuisible qu'une suspension, car il faudra de nouveau compter le temps entier, tandis que la suspension respectera le temps déjà écoulé. Mais si la suspension durait longtemps, par exemple jusqu'à la dissolution d'un mariage, elle pourrait être plus nuisible qu'une interruption, surtout si celle-ci était survenue avant qu'un long temps fût déjà écoulé (a).
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(a) On ne peut prendra ici, comme exemple, la suspension en faveur des mineurs et des interdits, parce que, dans le Projet, le temps de cette suspension est très réduit (v. art. 1467 à 1470).