Art. 1176. — 343. Pas plus ici que dans l'échange, il n'est nécessaire que l'éviction ait été soufferte dans un objet immobilier reçu en partage: la cause du privilége est que le partage a fait entrer un immeuble dans le lot d'un ou plusieurs des copartageants, sous la condition qu'un autre d'entre eux recevrait pour sa part une valeur mobilière ou immobilière déterminée; cct immeuble leur reste, les enrichit, pendant qu'un autre copartageant ne peut conserver légalement le lot qu'il a reçu; il est donc juste que celui-ci soit indemnisé, sur les immeubles des autres, quelle que soit la nature de son lot.
344. Pour la même raison, il y a lieu à la garantie d'éviction, sur les immeubles de tous les copartageants, lorsque l'un d'entre eux avait dans son lot une créance à exercer et a souffert de l'insolvabilité du débiteur.
Deux cas sont distingués par la loi:
Ou la créance est née du partage, à savoir une créance de soulte ou de prix de licitation, et dans ce cas, le débiteur est nécessairement un copartageant;
Ou elle existait auparavant, dans les biens indivis de la succession ou de la société en liquidation; dans ce cas, le débiteur sera le plus souvent un étranger, mais ce pourrait être aussi un copartageant.
Reprenons-les séparément.
345. Ier Cas. Un des copartageants doit à un autre une soulte ou un prix de licitation; s'il n'y avait, en tout, que ces deux copartageants, le créancier et le débiteur, il ne serait pas question de garantie d'insolvabilité: la créance serait directement et uniquement privilégiée sur l'immeuble grevé de la soulte ou du prix de licitation, en vertu de l'article précédent ('nos 1 et 2). Mais s'il y a trois copartageants ou davantage et que le débiteur ne puisse s'acquitter, même par l'effet du privilége dont son immeuble est grevé (sans doute, parce qu'il a péri ou subi une forte dépréciation), alors le troisième copartageant et les autres, s'il y en a, sont garants, pour leur part, de cette sorte d'éviction résultant de l'insolvabilité.
346. IIo Cas. On a mis dans un des lots une créance faisant partie des biens jusque-là indivis. Supposons d'abord que le débiteur était un tiers. Le débiteur ne paye pas, à l'échéance, de sorte que le copartageant qui a cette créance dans son lot est aussi maltraité, par l'é. vénement, que s'il était évince d'une créance qui n'aurait pas fait partie de l'indivision ou qui n'aurait pas existé, et, pendant ce temps-là, d'autres copartageants conservent un ou plusieurs immeubles qu'ils ont reçus de la masse; il n'est évidemment pas moins juste qu'il soit garanti contre cette perte résultant de l'insolvabilité que contre celle qui résulterait d'une éviction ordinaire.
Mais ici la loi met à la garantie une condition qu'elle n'y a pas mise au cas précédent, c'est que le débiteur fût déjà insolvable au moment du partage; la raison en est que, là seulement, il y a une faute commune d'avoir ignoré l'insolvabilité déjà existante, et aussi qu'il y a eu enrichissement indû des uns au préjudice d'un autre, par le fait et au moment du partage.
La solution serait la même, et par le même motif, si le débiteur de la succession ou de la société était luimême un des copartageants.
347. Au contraire, lorsqu'il s'agit de l'insolvabilité du copartageant débiteur d'une soulte ou d'un prix de licitation, la garantie en est due par les autres copartageants, lors même que ladite insolvabilité est survenue depuis le partage. D'abord, il serait difficile de supposer que l'insolvabilité existait déjà au moment du partage: autrement, les autres copartageants ne l'eussent pas ignorée et ils n'eussent pas passé outre, en chargeant un insolvable d'une soulte ou d'un prix de licitation envers l'un d'eux; et, pour l'insolvabilité postérieure au partage, il est juste qu'elle soit garantie par tous, parce qu'ils ne doivent pas se désintéresser du sort d'une créance que le partage a fait naître par leur accord mutuel: la loi peut donc les considérer comme ayant tacitement cautionné la dette, et elle la leur impose éventuellement.
C'est, en somme, pour cette différence, quant au moment auquel peut se produire l'insolvabilité sujette à garantie, que notre article a distingué les deux cas.