Art. 1095. — 205. bis. Le dernier alinéa de notre article applique à l'indivisibilité volontaire une dispositio: déjà établie au sujet du cautionnement et de la solidarité passire: il est naturel et juste, ici comme dans les deux premiers cas de sûretés personnelles, que le créancier qui a compromis les effets de la subrogation légale à laquelle le débiteur était appelé en supporte, comme conséquence, la déchéance de son droit.
FIN DE LA fre PARTIE DU LIVRE IV.
DEUXIÈME PARTIE.
DES SÛRETÉS RÉLLES.
N° 205. On a déjà expliqué (n° 7) que les sûretés ou garavties réelles consistent dans l'affectation spéciale d'une chose à l'acquittement d'une obligation.
Les sûretés réelles ont un double avantage pour le créancier: elles le mettent à l'abri des deux dangers auxquels l'expose le droit commun:
1° L'aliénation que le débiteur peut faire de ses biens, pourvu que ce soit sans fraude (v. art. 360);
2° La multiplication de ses obligations, laquelle amène le concours de tous les créanciers sur le “gage commun” et peut ainsi les mettre en perte (v. art. 1001).
Lors donc qu'un créancier a une sûreté réelle, son droit fait obstacle à l'aliénation du bien qui est affecté à sa garantie, ou au moins, cette aliénation ne lui est pas opposable (suuf de rares exceptions qui seront indi. quées en leur lieu): on dit alors que le créancier a un “droit de suite” contre le tiers détenteur; en outre, lorsque le bien affecté spécialement à l'acquittement d'une obligation sera réalisé en argent (généralement par une vente aux enchères), le créancier de cette ohligation sera puyé "par préférence” aux autres.
207. On pourrait, au premier abord, s'étonner que le droit commun puisse être ainsi changé au profit d'un ou plusieurs créanciers à l'encontre des autres; mais il ne faut pas perdre de vue que les matières civiles sont d'ordre privé et non d'ordre public, et que les parties y peuvent stipuler et promettre, à leur gré, pour le mieux de leurs intérêts; ce qui serait inadmissible, ce serait que le débiteur pût changer après coup la condition respective de ses créanciers, une fois qu'elle aurait été spécialement établie par lui ou par la loi; en d'autres termes, une fois qu'il y aurait droit acquis.
Mais le droit commun ayant ses dangers (v. art. 360 et 1001), un créaucier nouveau peut bien mettre à l'avantage qu'il confère ou promet au débiteur la condition d'une sûreté spéciale, et les autres créanciers n'ont pas de raison légitime de s'en plaindre: 1° parce qu'ils ont pu eux-mêmes mettre à leur convention de semblables conditions qui leur auraient donné la priorité, 2° pirce que les avantages fournis par celui qui leur est préférable sont entrés dans la masse commune des biens du débiteur et profitent ainsi à tous les autres créanciers.
Lorsque la sûreté ne vient pas de la convention mais de la loi, elle se justifie encore mieux, car c'est toujours par un principe de justice que la loi donne une sûreté spéciale à certains créanciers (v. n° suiv.).
Si l'on suppose qu'une créance a été établie sans sûreté spéciale, à l'origine, il est un peu moins facile de justifier qu'une sûreté y soit attachée après coup; aussi n'est-ce déjà plus la loi qui le fera; mais celle-ci pourra du moins accorder sa sanction à une sûreté qui est encore valable, en principe, comme étant l'effet de la libre disposition qu'un débiteur peut faire de ses biens; ce n'est que s'il y a fraude à l'égard des autres créine ciers que la sûreté peut être révoquée (art. 360 et suiv.), ou bien si le débiteur est tombé en faillite ou en déconfiture, cas où la disposition et même l'administration de ses biens lui sont enlevées et sont transférées à un syndic représentant la masse de ses créanciers.
208. Les sûretés réelles ont été énumérées par l'article 1002. On dira d'abord ici quelques mots du principe essentiel de chacune, des choses auxquelles elles peuvent s'appliquer et de leur cause.
Les trois premières, la rétention, le gage mobilier et le nautissement immobilier (a), ont pour élément principal, pour condition fondamentale, la possession de la chose par le créancier; la quatrième, le privilege, n'exige la possession du créancier que dans un petit nombre de cas; la cinquième, l'hypothèque, ne l'exige jamais.
Au sujet des choses qui peuvent être l'objet de ces sûretés, ce sont tantôt tous les biens indistinctement, meubles et immeubles, tantòt les uns et non les autres: le droit de rétention, le nantissement conventionnel et le privilége s'appliquent aux deux sortes de biens, l'hypothèque aux immeubles seulement.
Enfin, si l'on cherche qu'elles sont les sources ou causes de ces diverses sûretés, on trouve la loi et la disposition de l'homme.
Viennent de la loi: le droit de rétention, les priviléges et quelques hypothèques; viennent de la volonté de l'homme, c'est-à-dire de la convention ou du testament: le gage mobilier, le nantissement immobilier et le plus grand no:mbre des hypothèques.
Quand on reprendra chacune des sûretés qui ont la loi pour cause ou source directe, on aura à rechercher encore une cause première de cette faveur de la loi, car la loi n'accorde pas de tels avantages arbitrairement; on trouvera alors des principes de justice particuliers aux divers cas: ce sera tantot le service rendu à la masse des créanciers, lequel s'oppose à ce qu'elle s'enrichisse au détriment de celui qui a rendu le service, tantot la protection due à certaines personnes qui ne pourraient pour voir suffisamment elles-mêmes à la conservation de leurs intérêts.
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(a) L'antichrèse qui avait été annoncée dans la 1er Rédaction du Projet comme un des droits réels (art. 2) a été transformée, d'après la coutume japonaise, en hypothèque accompagnée d'un nantissement, de sorte qu'elle ne conserve plus le même nom et s'appelle désormais “nantissement immobilier" (v. Chap. 111.).