V.-PRIVILÉGE DES FOURNITURES DE SUBSISTANCES.
Art. 1147. — 290. La cause légale de ce privilége est toujours le service rendu au débiteur dans des conditions qui profitent aux autres créanciers: si le débiteur ne trouvait pas crédit pour sa subsistance journalière et celle de sa famille et de ses serviteurs, il serait obligé pour vivre de se livrer à des occupations journalières étrangères à sa profession, ce qui serait aussi nuisible à ses créanciers que s'il lui fallait, comme on l'a dit plus haut, se servir lui-même.
La subsistance de ses serviteurs est mise ici sur la même ligne que celle de la famille; d'abord, parce qu'il serait le plus souvent impossible de distinguer ce qui est pour la famille et ce qui est pour les serviteurs; ensuite, parce que si la subsistance des serviteurs n'était pas assurée, coinme leurs gages, le débiteur ne trouverait pas de serviteurs.
Au contraire, pour les frais funéraires et ceux de dernière maladie on n'a pas fait mention de ceux relatifs aux serviteurs; d'abord, parce que la dépense n'aura souvent qu'une faible importance; ensuite, parce que le maître insolvable n'a pas une obligation stricte de subvenir à ces dépenses pour ses serviteurs.
Du reste, nous n'aurions aucune répugnance à ajouter au texte dans le sens qui y ferait entrer les frais d'inhuination et de dernière maladie des serviteurs insolvables.
291. Le texte a soin d'exprimer que le privilége ne s'applique qu'aux “ denrées alimentaires": il donne ainsi au mot "subsistances” un sens très-limité et trèsprécis. En France, le mot “ subsistance" n'étant pas précisé dans la loi, il y a bien des divergences sur la portée qu'il faut lui donner: beaucoup d'auteurs y font rentrer une foule de fournitures accessoires qui rendent le privilége très-onéreux aux autres créanciers; mais le mot “subsistances" n'a pas une portée aussi étendue que celle " d'aliments," quand on parle de “l'obligation alimentaire” envers certains parents, laquelle comprend même le vêtement.
Quant à la durée des fournitures privilégiées, le texte n'en admet qu'une, six mois, les six derniers; d'ailleurs on ne distingue pas, comme au Code français, les fournitures des marchands “en gros" et celles des marchands “en détail."