Art. 207. — 310. Le possesseur de mauvaise foi aurait dû, en stricte équité, rendre spontanément la chose qu'il savait ne pas lui appartenir; mais, s'il ne l'a pas fait, soit par incertitude sur la personne du véritable propriétaire, soit par malhonnêteté, au moins ne doit-il pas s'enrichir au préjudice de celui-ci; il doit aussi réparer tout le tort qu'il lui a causé. On ne peut dire, en sa faveur, comme en celle du possesseur de bonne foi, que la restitution des fruits le ruinerait, car il n'a pas dû consommer ou aliéner des fruits et produits qu'il savait devoir restituer un jour; à défaut d'enrichissement, il est en faute, s'il a vécu plus largement: il est également responsable, s'il a négligé de percevoir tout ou partie des fruits et produits, ou si, les ayant perçus, il les a laissés périr.
Mais il ne faut pas non plus que le légitime propriétaire s'enrichisse au préjudice du possesseur de mauvaise foi, en recouvrant les fruits sans subir les charges qui s'y rapportent et que le possesseur de mauvaise foi a supportées, tels que frais de culture et de récolte, frais de conservation, impôts et autres charges ordinaires des revenus.
C'est ce qu'exprime le 2e alinéa de notre article, imité de l'article 548 du Code français.
311. Il restait à savoir comment on devait traiter, quant aux fruits, la possession viciée par violence ou clandestinité. On sait déjà qu'elle ne mène pas à la prescription, lors même qu'elle serait accompagnée d'un juste titre; on sait aussi qu'elle n'est pas incompatible avec la bonne foi (voy. n° 287).
Il va de soi que le possesseur de mauvaise foi qui s'est établi ou maintenu en possession par violence, ou qui dissimule sa possession, n'aura aucun droit aux fruits, puisque le mauvaise foi seule suffit à l'en priver. Mais, que devait-on décider pour celui qui, ayant juste titre et bonne foi, recourrait à la menace pour garder sa possession ou la dissimulerait aux tiers et spécialement au vrai propriétaire ? La question est généralement négligée par les auteurs français; sans doute parce qu'ils sont portés à croire que les vices de violence et de clandestinité sont exclusifs de la bonne foi. Mais maintenant que le contraire est établi, la question mérite d'être soulevée et elle est tranchée ici, par la loi, contre le possesseur, par la considération suivante: le possesseur violent, ou celui qui cache sa possession, n'est pas plus intéressant que le possesseur de mauvaise foi; il l'est même moins, car il élève des obstacles plus sérieux contre la revendication du vrai propriétaire; il doit donc être privé de toute acquisition des fruits et soumis à toutes les restitutions imposées au possesseur de mauvaise foi, même quant aux fruits qu'il a perdus sans en profiter ou qu'il a négligé de percevoir.
Il ne restera à celui dont la possession est violente ou clandestine que la présomption de propriété et le rôle de défendeur, non seulement à l'action possessoire en réintégrande mais encore à l'action pétitoire (v. art. 205).