Art. 201 et 202.- 295. L'article 201 consacre une règle développée dans l'Exposé (p. 323 et s.) et déjà impliquée dans la définition donnée a par l'article 193, à savoir que la possession civile a deux éléments essentiels: l'un de fait et, pour ainsi dire, matériel ou corporel, l'autre d'intention et purement intellectuel. Il n'y a pas besoin d'y insister davantage: la loi devait présenter cette double condition comme nécessaire à l'acquisition de la possession.
296. La différence établie par l'article 202 entre le fait et l'intention a été annoncée et justifiée d'avance dans l'Exposé, ainsi que l'exception qui les rapproche dans deux cas particuliers.
Il suffit de rappeler que les éléments de fait qui constituent la possession ne pourraient raisonna blement être exigés de celui qui doit bénéficier de la possession: les moyens d'action d'un seul individu sont forcément très-limités; chacun a besoin de confier à autrui une partie de ses intérêts, pour la surveillance, la conservation et même l'amélioration de ses biens.
Mais, il y a un élément de la possession qu'il est inutile et on pourrait dire défendu de déléguer, c'est l'intention, la volonté d'avoir le droit; car cette volonté, cette intention, n'est pas plus difficile à avoir pour une chose que pour une autre; elle peut embrasser un nombre indéfini d'objets; il est donc inutile de la déléguer à autrui, d.u moment d'ailleurs que la loi n'exige pas qu'elle se manifeste d'une manière déterminée. L'exception à cette deuxième règle ne commence qu'avec la nécessité et cette nécessité, la loi ne la voit que dans deux cas: celui des personnes incapables et celui des personnes dites juridiques," lesquelles ne peuvent avoir de volonté que par l'organe de leurs représentants légaux.
297. Il ne faut pourtant pas exagérer le sens restrictif de la seconde règle, à savoir que l'intention de posséder ne peut se déléguer et doit tou jours se trouver chez le bénéficiaire. Ainsi, on peut valablement donner mandat à un serviteur, à un préposé ou à un ami, de se rendre acq uéreur et de prendre possession d'une ou plusieurs choses incomplètement déterminées, à l'égard desquelles on lui laisse une plus ou moins grande liberté de choix; mais on ne doit pas hésiter à dire qu'en pareil cas l'intention de posséder se trouve suffisamment chez le mandant: il a voulu posséder ce qui serait choisi et acheté par son mandataire. Il n'est pas nécessaire non plus que le mandant connaisse le moment précis auquel son mandat a été exécuté: son intention existe dès que le mandat est donné, l'effet seul en est retardé. Il en serait autrement, si la possession avait été prise pour autrui, sans mandat, mais par le bon office spontané d'un gérant d'affaires; dans ce cas, celui dont les affaires ont été gérées n'acquerrait la possession que lorsqu'il aurait connu et ratifié la prise de possession et, cela, sans rétroactivité.