Art. 15. — 25. Quand la société personne morale ou juridique est dissoute par une des causes que la loi détermine, chaque associé succède pour une part à l'être moral société et le droit de chacun, devenant un droit de propriété dans l'ancien actif social, est mobilier ou immobilier, ou a les deux caractères, suivant la nature des biens que possédait la société, sauf l'effet du partage tel qu'on va l'expliquer. C'est alors exactement la situation qui existe, comme on vient de le dire, pendant la durée même d'une société qui n'a pas de personnalité.
Dans le 1er alinéa, la loi tranche par avance, une question qui se présentera trois fois, au moins, dans la suite, c'est-à-dire sous chacune des matières ici indiquées: successions, sociétés, communautés de biens (8).
Il s'écoule toujours un certain temps entre l'ouverture d'une succession et le partage des biens qui la composent; de même, entre la dissolution d'une société ou d'une communauté de biens et la distribution de son actif, de son avoir, après le payement des dettes ou du passif.
Si la loi laissait ici fonctionner les principes généraux, sans y intervenir, voici ce qui se produirait: chacun des héritiers, des anciens associés ou des communistes, se trouverait copropriétaire par 'indicis, pour une part égale ou inégale à celle des autres, de chacun des biens, meubles ou immeubles, composant la masse (m). Puis, lorsque viendrait le partage ou la distribution des biens, donnant à chacun une certaine quantité d'objets dont il aurait dès lors la propriété entière et exclusive, il tiendrait son droit des autres, pour leur part dans lesdits objets, jointe à la part qu'il avait déjà de son chef; réciproquement et en compensation, les autres recevraient sa part dans chacun des objets à eux échus en partage.
Cette théorie qui est la plus naturelle a été en vigueur dans le droit romain et aussi dans le très ancien droit français: on disait alors que le partage était translatif ou attributif de propriété; l'acquisition résultait de la convention ou de l'office du juge.
Mais il y a là des inconvénients: pendant que dure l'indivision, chaque copropriétaire ne peut aliéner aucun objet que pour la part indivise qu'il a lui-même, ce qui détournera les tiers de faire de pareilles acquisitions et, par conséquent, sera une entrave à la libre circulation des biens; car l'indivision, déjà gênante entre cohéritiers ou entre anciens associés, l'est bien davantage entre gens qui n'ont aucun lien antérieur.
Si même, un tiers a- acquis cette- part indivise, il y a un autre inconvénient, car celui-ci doit figurer au partage; or, l'admission d'un étranger à une opération qui déjà est délicate entre les parties, la rendra plus difficile et pourra susciter des contestations; enfin, le mal sera plus grand encore, si l'un des copropriétaires a hypothéqué sa part indivise: ceux-ci se trouveront, plus tard, obligés de payer la dette hypothécaire ou ils subiront l'éviction par l'effet de l'action du créancier, car l'hypothèque est considérée comme indivisible et toutes les parties de l'immeuble garantissent la dette entière (voy. C. civ. fr., art. 2114; comp. art. 20, 4e al., ci-après); ils auront, il est vrai, un recours contre le débiteur, mais ce recours pourra souvent être inefficace.
26. Pour prévenir ces deux inconvénients, plusieurs législations modernes ont admis que le droit des copropriétaires ou co-héritiers est indéterminé, quant aux objets, jusqu'au partage, et qu'une fois le lotissement effectué, " chacun est censé avoir succédé seul aux " objets compris dans son lot et n'avoir eu aucun droit " sur les objets échus aux autres " (voy. C. civ. fr., art. 883; C. ital, art. 1034); par conséquent, les droits qui auraient pu être concédés à des tiers sont subordonnés à l'effet du partage: ils sont valables, si les objets cédés aux tiers sont échus à l'héritier même qui les a cédés et nuls s'ils sont échus à un autre. Mais, pour éviter que le partage soit fait de manière à frauder le tiers de ses droits, on doit l'admettre à assister au partage (0. fr./ art. 765 et 882).
D'après cette théorie, le partage n'est plus translatif ou attributif de propriété, il en est déclaratif; il détermine les objets sur lesquels le droit de chacun est censé avoir porté pendant le temps qu'a duré l'indivision (n).
Il paraît préférable de lui donner le même caractère au Japon: il y aura les mêmes avantages qu'en Europe, et encore celui de permettre aux tribunaux du pays, dans les cas embarrassants, de recourir aux travaux de la jurisprudence moderne, française et autre, plutôt qu'aux anciens jurisconsultes romains peu connus au Japon et peu faciles à y étudier.
27. Le 2e alinéa donne la même solution pour un cas analogue.
Ordinairement, une obligation a un objet immédiatement déterminé, lors même que l'exécution en est ajournée à un temps plus ou moins éloigné. Mais il a pu entrer dans les convenances des parties de laisser le choix de l'objet à l'une d'elles, soit au créancier qui demandera celui qui lui convient le mieux, soit au débiteur qui payera celui qui lui est le moins onéreux à donner; bien entendu, le choix est toujours, raisonnablement, limité entre un petit nombre d'objets de valeurs à peu près égales. Les obligations ou créances de ce genre s'appellent alternatives (voy. Projet, art, 448 et suiv.).
Quant les objets parmi lesquels le choix pourra s'exercer sont de même nature, soit meubles, soit immeubles, la créance a le même caractère et elle ne présente rien de particulier, au point de vue de la présente division des biens; mais, si l'un des objets dus alternativement est meuble et l'autre immeuble, la créance n'a pas les deux caractères, à la fois, comme cela aurait lieu dans le cas du 1er alinéa, si la loi ne s'y opposait; il n'y a qu'un seul des deux objets dus qui puisse donner à la créance sa nature mobilière ou immobilière. Mais quel est cet objet ? On ne le saura que lorsque le créancier exercera son choix par la demande, ou le débiteur par le payement.
Il en serait autrement si l'obligation était facultative (v. art. 456): dans ce cas, il n'y a qu'une seule chose vraiment due fin obligatione); le débiteur, il est vrai, a la faculté de se libérer en en donnant une autre en payement fin facultate solutionis), mais c'est la chose due principalement qui détermine si la créance est mobilière ou immobilière et non celle qui est due facultativement.
27 bis. Ici se termine l'importante division des choses en meubles et immeubles.
La loi passe aux autres divisions qui, ainsi qu'on l'a remarqué (voy. nos 12 et 13), comprennent, toujours et nécessairement, les mêmes objets, mais envisagés sous d'autres points-de vue.
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(8) La question se présente aussi et reçoit sa solution au sujet du privilége des copartageants (Proj., art. 1175 et s.).
(m) Voir, sur la copropriété indivise, les. articles 33 à 41.
(n) Il ne faut priS, du reste, attribuer l'invention de cette fiction aux auteurs dn Code civil français: elle est bien plus ancienne, mais aussi d'origine française; elle est due à un célèbre jurisconsulte coutumier, à Dumoulin, vivant au XVIe siècle, et aux légistes de son temps.
La fiction du partage déclaratif de droits a eu encore d'autres causes que celles exposées ci-dessus: notamment, d'éviter le payement, au seigneur féodal, d'un nouveau droit fiscal de mutation, lors du partage.
Cet avantage subsiste encore aujourd'hui, en France, au sujet de l'enregistrement, et il y a le même intérêt à le signaler ici, puisqu'il est question d'établir aussi au Japon des droits à payer pour les mutations par succession; on ne devra donc pas payer un nouveau droit lors du partage.