ボワソナードプロジェ(明治23年)

Projet de code civil pour l'Empire du Japon

参考原資料

LIVRE DEUXIÈME. DES BIENS. DISPOSITIONS PRÉLIMINAIRES. DE LA DIVISION DES BIENS ET DES CHOSES. Art. 1er Les Biens ou droits composant le patrimoine, soit des particuliers ou des corporations, soit de l'Etat, des départements, des communes, ou des établissements publics sont de deux sortes: les droits réels et les droits personnels: 2. Les droits réels s'exerçant directement sur les choses et opposables à tous, sont principaux ou accessoires. Les droits réels principaux sont: 1°  La propriété, pleine ou démembrée; 2°  L'usufruit, l'usage et l'habitation; 3°  Les droits de bail, d'emphytéose et de superficie; 4°  Les servitudes foncières; 5°  Le droit de possession. Ces droits sont l'objet de la 1re partie du présent Livre. Les droits réels accessoires, ou garanties des créances sont: 1°  Le gage; 2°  L'antichrèse; 3°  Le droit de rétention; 4°  Le privilége; 5°  L'hypothèque. Ces droits sont l'objet du Livre IVe. 3. Les droits personnels, ou droits de créance, s'exercent contre une personne déterminée, pour obtenir d'elle des prestations ou des abstentions auxquelles elle est obligée par les causes que la loi autorise. Ces droits sont l'objet de la IIe partie du présent Livre. 4. Les droits des écrivains, des artistes, et des inventeurs, sur la publication de leurs ouvrages, sur la reproduction de leurs œuvres ou l'application de leurs découvertes sont réglés par des lois spéciales. 5. Les droits, tant réels que personnels, sont modifiés d'après les diverses distinctions des choses qui en sont l'objet, telles qu'elles résultent, soit de leur nature, soit de la volonté de l'homme, soit des dispositions de la loi, ainsi que ces distinctions sont énoncées ci-après. 6. Les choses sont corporelles ou incorporelles. Les choses corporelles sont celles qui tombent sous les sens physiques de l'homme; comme les fonds de terre, les bâtiments, les animaux, les ustensiles. Les choses incorporelles sont celles que l'intelligence seule perçoit; tels sont: 1°  Les droits réels ou personnels eux-mêmes; 2°  Les droits de propriété littéraire, artistique ou industrielle, énoncés à l'article 4; 3°  Les successions ouvertes, considérées comme ensemble des biens et des dettes d'un défunt; 4°  Les sociétés dissoutes et les communautés de biens en liquidation. 7. Les choses sont mobilières ou immobilières, suivant qu'elles sont, ou non, susceptibles de déplacement, soit d'après leur nature, soit par la destination que leur donne le propriétaire, soit par la détermination de la loi. 8. Sont immeubles par nature: 1°  Les fonds de terre, les chaussées, terrasses et autres parties du sol; 2°  Les murs de clôture, les haies et palissades; 3°  Les lacs, étangs, canaux et cours d'eau quelconques; 4°  Les digues, jetées, pieux et autres ouvrages destinés à contenir ou à amortir les eaux; 5°  Les bains, les moulins à eau ou à vent, attachés au sol, les machines hydrauliques ou à vapeur fixes quel que soit leur usage; 6°  Les forêts, bois, arbres, arbustes et plantes quelconques tenant au sol; 7°  Les fruits et récoltes, même arrivés à maturité, tant qu'ils ne sont pas détachés du sol; 8°  Les mines, minières et carrières, de quelque nature qu'elles soient, tant que les produits n'en sont pas détachés du sol; 9°  Les édifices ou bâtiments fixés ou appuyés au sol, par quelque personne que ce soit, quelque soit leur emploi ou leur destination et lors même qu'ils devraient être démolis dans un temps fixé, sauf l'exception portée à l'article 12; 10°  Les fermetures, extérieures et autres accessoires essentiels, même mobiles, desdits bâtiments; 11°  Les tuyaux attachés au sol ou aux bâtiments, pour l'arrivée, la conduite ou la sortie des eaux naturelles ou ménagères, ou pour la conduite du gaz ou de la chaleur 12°  Les appareils électriques attachés au sol ou aux bâtiments et leurs accessoires. 9. Sont immeubles par destination les objets mobiliers, de quelque nature qu'ils soient, qui ont été placés par leur propriétaire sur le sol ou dans les bâtiments qui lui appartiennent, pour l'exploitation, l'utilité ou l'agrément desdits fonds, soit à perpétuelle demeure, soit pour un temps indéterminé. Sont présumés immeubles par destination, s'il n'y a preuve du contraire: 1°  Les bêtes de somme ou de trait attachées à la culture ou à l'exploitation d'un fonds; 2°  Les animaux mis sur le fonds pour l'engrais; 3°  Les instruments et ustensiles aratoires; 4°  Les semences, pailles et engrais destinés à la culture d'un fonds, lors même qu'ils ne proviendraient pas dudit fonds; 5°  Les graines de vers à soie destinées à l'exploitation des magnaneries; 6°  Les échalas, pieux et bambous destinés à soutenir les vignes et autres arbres à fruits; 7°  Les appareils et ustensiles destinés à la transformation ou à la mise en valeur des produits agricoles, tels que pressoirs, chaudières, alambics, cuves et tonnes; 8°  Les machines, appareils et ustensiles servant à l'exploitation des établissements industriels; 9°  Les bains sur bateaux, bacs ou barques destinés au service permanent d'un fonds; 10°  Les lanternes (ishi torô), vases, rochers, placés dans les jardins; les tableaux, glaces, sculptures et ornements quelconques attachés aux bâtiments, de manière à ne pouvoir en être détachés sans détérioration; 11°  Les tatamis et les shodjis ou karakamis formant les divisions ou fermetures intérieures des maisons, lorsqu'elles ne sont pas habitées et ne contiennent pas d'autres meubles à l'usage des personnes; 12°  Les matériaux détachés d'un édifice en réparation et destinés à y être replacés; 13°  Les poissons des étangs, les abeilles des ruches à miel et les pigeons des colombiers. 10. Sont immeubles par la détermination de la loi: 1°  Les droits réels sur les immeubles corporels ci-dessus énumérés; 2°  Les droits personnels ou de créance tendant à acquérir ou à recouvrer un droit réel sur un immeuble; 3°  Les rentes sur l'Etat et autres créances mobilières immobilisées par la loi, ou, par les particuliers, en vertu d'une disposition de la loi. 11. Sont meubles par nature les objets susceptibles de déplacement, soit par eux-mêmes, comme les animaux, soit par l'effet d'une force étrangère, comme les choses inanimées, sauf les exceptions portées par les articles 8 et 9 ci-dessus. 12. Sont meubles, par la destination du propriétaire, les objets qui n'ont été fixés au sol que provisoirement et dans un but momentané; tels sont: 1°  Les échaffaudages et étais des constructions; 2°  Les hangars destinés à abriter les ouvriers et les matériaux pendant lesdites constructions; 3°  Les arbres, arbustes et fleurs élevés ou entretenus en terre, pour être vendus, par les pépiniéristes et jardiniers. 13. Sont meubles par la détermination de la loi: 1°  Les droits réels sur les meubles ci-dessus désignés; 2°  Les droits personnels ou de créance tendant à acquérir ou à recouvrer la propriété d'une somme d'argent, de denrées, marchandises, ou autres meubles corporels, lors même que des immeubles seraient affectés la garantie de la créance; 3°  Les créances ayant pour objet d'exiger d'autrui une prestation, l'accomplissement d'un fait ou l'abstention d'un droit même immobilier; 4°  Les droits dans les sociétés civiles ou commerciales constituant une personne morale (incorporelle), jusqu'à leur dissolution, lors même que des immeubles appartiendraient auxdites sociétés. 5°  Les droits de propriété littéraire, artistique et industrielle désignés à l'article 4. 14. La nature mobilière ou immobilière des droits à une part de succession ouverte, de société dissoute ou de communauté de biens en liquidation est déterminée par la nature des biens que chaque intéressé reçoit lors du partage. La nature d'une créance alternative ayant pour objet des meubles ou des immeubles, au choix d'une des parties, est de même déterminée par la nature des biens donnés en payement. 15. Les choses sont principales ou accessoires, suivant qu'elles ont, ou non, leur entière utilité sans être adjointes à d'autres dont elles dépendent. Ainsi, les immeubles par destination sont accessoires des immeubles par nature; les servitudes foncières sont accessoires du fonds dominant; les garanties des créances sont accessoires desdites créances. L'aliénation de la chose principale emporte celle de ses accessoires, si le contraire n'est exprimé. 16. Les choses peuvent être envisagées, soit comme objets individuels ou corps certains, tels qu'une maison, un champ, un animal; soit comme quantités déterminées, au poids, au nombre ou à la mesure; soit comme collection d'objets plus ou moins semblables et susceptibles d'augmentation ou de diminution; tels qu'un troupeau, les livres d'une bibliothèque, les marchandises d'un magasin; soit enfin comme universalité de biens formant tout ou partie d'un patrimoine, tels que: tous les meubles ou tous les immeubles d'une succession, ou la succession toute entière, ou une quote part des mêmes biens. 17. Les choses sont, par leur nature, susceptibles, ou non, de se consommer par le premier usage. Cette distinction reçoit sa principale application en matière d'usufruit, comme il est dit au chapitre II, ci-après. 18. Les choses sont fungibles ou non fungibles, suivant que d'après l'intention des parties ou la disposition de la loi, elles peuvent, ou non, se remplacer par des choses équivalentes. Les choses de quantité et celles qui se consomment par le premier usage, sont, en général, considérés comme fungibles d'après l'intention des parties. 19. Les choses sont divisibles ou indivisibles, suivant qu'elles sont, ou non, susceptibles d'être divisées, soit matériellement, soit intellectuellement ou par parties aliquotes. Sont indivisibles par leur nature, la plupart des servitudes foncières, l'hypothèque et les autres sûretés réelles des créances et certaines obligations de faire ou de ne pas faire. Une chose est indivisible par l'intention des parties, lorsque l'utilité que celles-ci se proposent, dans une convention, ne peut être atteinte aucunement par une prestation partielle de la chose. 20. Les choses sont appropriées ou non appropriées. Les choses appropriées sont celles qui font partie d'un patrimoine soit privé, soit public. Les choses non appropriées sont les unes sans maître, les autres communes. 21. Les choses sans maître sont celles qui n'appartiennent à personne mais peuvent devenir l'objet d'un droit de propriété; tels sont: les animaux sauvages, les oiseaux vivant en liberté, les poissons des rivières et de la mer. Les immeubles qui n'ont pas de maître particulier appartiennent de droit à l'Etat; il en est de même de la succession de ceux qui meurent sans héritiers. 22. Les choses communes sont celles dont la propriété ne peut être à personne et l'usage appartient à tous; tels sont; l'air, l'eau des rivières, la haute mer. 23. Les choses appropriées qui n'appartiennent pas à des particuliers font partie du domaine public ou du domaine privé de l'Etat, des départements ou des communes. L'aliénation et l'administration de ces choses sont réglées par les lois administratives. 24. Les choses font partie du domaine public, lorsqu'elles sont consacrées à un usage ou à un service national; telles sont: 1°  La mer territoriale et les rivages de la mer, jusqu'où s'étend la plus haute marée d'équinoxe; 2°  Les routes, rivières navigables, canaux et chemins de fer; 3°  Les forteresses, remparts et autres ouvrages de défense des places de guerre ou des côtes 4°  Les arsenaux militaires et maritimes et les armes, engins, trains et équippements de toute sorte qui s'y trouvent; 5°  Les vaisseaux de guerre, de transport militaire et autres navires constituant la marine de l'Etat, avec leurs accessoires; 6°  Les palais impériaux, ceux des In, et des administrations publiques centrales, départementales et communales; 7°  Les temples, cimetières et autres lieux religieux; 8°  Les bibliothèques, musées, écoles, et les collections qui s'y trouvent; 9°  Les établissements pénitentiaires, les prisons, les casernes, les hopitaux, etc. 25. Font partie du domaine privé de l'Etat, des départements ou des communes, les choses que ces personnes civiles possèdent au même titre que les particuliers et qui sont destinées à [leur] donner des revenus appréciables en argent; tels sont: Les relais de la mer, les forêts, bois et pâturages nationaux, départementaux et communaux, les immeubles sans maître, et les successions en déshérence, comme il est dit à l'article 21. La propriété des épaves fluviales et maritimes est réglée par des lois spéciales. 26. Les choses sont dans le commerce ou hors du commerce, suivant qu'elles peuvent, ou non, devenir l'objet d'un droit privé de propriété ou de créance, ou que ceux auquels elles appartiennent peuvent, ou non, en faire l'objet de conventions particulières. Sont hors du commerce, les biens du domaine public et les choses dont la loi défend le commerce, dans l'intérêt de l'ordre public, comme les successions non ouvertes, les titres et dignités honorifiques, les emplois publics, les pensions civiles et militaires. 27. Les choses sont aliénables ou inaliénables. Sont inaliénables, bien que se trouvant dans le commerce, en général, les droits d'usage et d'habitation, les servitudes foncières envisagées séparément du fonds dominant, les concessions de mines et autres priviléges ou monopoles accordés par le gouvernement. 28. Les choses sont saisissables ou insaisissables, suivant que les créanciers auxquels elles appartiennent peuvent, ou non, en requérir la vente forcée pour être payés sur le prix. Sont insaisissables les choses hors du commerce et les choses inaliénables, et, en outre, les choses dont la loi ou la disposition de l'homme interdit la saisie; telles sont: les Rentes sur l'Etat et les rentes viagères ou pensions alimentaires déclarées insaisissables par le constituant. 29. ............... 30. ............... Première Partie. Des droits réels. Chapitre 1er De la Propriété. 31. La propriété est le droit d'user, de jouir et de disposer d'une chose de la manière la plus étendue, sous [les limites et] conditions apportées par la loi ou par les conventions particulières. 32. Le propriétaire d'un immeuble [ne] peut être contraint de céder sa propriété à l'Etat, au département ou à la commune, [que] pour cause d'utilité publique légalement reconnue et déclarée, et moyennant une indemnité préalable, réglée conformément aux lois de l'expropriation. 33. Le propriétaire peut être forcé, sous les mêmes conditions, de permettre l'occupation temporaire de sa propriété, pour faciliter l'exécution de travaux d'utilité publique. 34. Les servitudes relatives à l'extraction des matériaux, aux coupes de bois et aux prises d'eau, dans un intérêt général ou local, sont réglées par des lois administratives. 35. Le propriétaire du sol peut établir sur la surface toutes constructions, plantations, cultures, étangs qu'il juge à propos. Il peut faire au dessous du sol toutes excavations, fouilles et extractions de matériaux. Pourvû, dans l'un et l'autre cas, qu'il se conforme aux règles établies ci-après, dans l'intérêt des voisins. Les autres limites et conditions apportées à l'exercice du droit de propriété, dans l'intérêt du voisinage, sont établies au chapitre des servitudes. 36. Le propriétaire peut faire des fouilles pour la recherche des mines qui pourraient exister dans sa propriété; mais il ne peut les mettre en exploitation qu'après en avoir obtenu l'autorisation (la concession) du Gouvernement, conformément aux lois particulières sur les mines. 37. Si le propriétaire est privé de la possession de la chose, il peut la revendiquer contre tout possesseur, sauf ce qui est dit de la prescription des meubles et des immeubles. Il peut aussi exercer une action négatoire contre ceux qui exerceraient sur son fonds des droits de servitude qu'il prétendrait ne pas exister. La compétence et les formes de procéder, dans l'un et l'autre cas, sont réglées au code de procédure civile. 38. Si une chose appartient en commun à plusieurs personnes, pour des parts indivises, égales ou inégales, chacun des co-propriétaires peut se servir (user) de la chose, intégralement; mais en se conformant à sa destination et pourvû qu'il ne mette pas obstacle à l'usage des autres; Les fruits et produits (jouissance) se partagent périodiquement, dans la mesure du droit de chacun; Chacun peut faire les actes d'administration nécessaires à la conservation de la chose; Les charges sont supportées par chacun proportionnellement à sa part; Le tout, sans préjudice des conventions particulières qui régleraient autrement l'usage, la jouissance ou l'administration. 39. A l'égard du droit de disposer, aucun des co-propriétaires ne peut, sans le consentement des autres, modifier la condition matérielle de la chose, ni la grever de droits réels au delà de sa part indivise. L'aliénation, par un des propriétaires de sa part indivise, met le cessionnaire en son lieu et place vis-à-vis des autres. 40. Chacun des co-propriétaires peut toujours demander le partage de la chose commune, nonobstant toute convention contraire. On peut cependant convenir de rester dans l'indivision pendant un temps déterminé qui ne peut excéder 5 ans. Ce délai peut toujours être renouvelé. Cette disposition ne s'applique pas à la co-propriété indivise résultant de la mitoyenneté appliquée aux cours, passages, puits, haies, murs, ou fossés, communs à plusieurs propriétés. 41. Les règles particulières à la co-propriété entre héritiers, entre époux, ou entre associés sont établies aux titres (aux chapitres) des Successions, du Contrat de mariage et des Sociétés. 42. Si une maison appartient divisément à plusieurs personnes dont chacune est propriétaire d'une portion distincte, leurs droits et leurs devoirs respectifs sont réglés comme il suit: L'entretien et la réparation des portes, clôtures, fondations, charpentes principales gros murs, toit, servant à tous en même temps, sont à la charge commune, en proportion de la valeur de la part de chacun dans la maison; chacun supporte seul les frais relatifs au plancher et aux cloisons de la portion qui lui appartient, et, s'il y a plusieurs étages, chacun entretient l'escalier qui conduit chez lui. 43. Le droit de propriété s'acquiert, se transmet et se conserve, tant entre les parties qu'à l'égard des tiers, par les causes et par les moyens qui sont expliqués au Livre III. 44. La propriété se perd: 1°  Par l'aliénation volontaire ou forcée: 2°  Par l'abandon volontaire de la chose, fait par le propriétaire capable de disposer; 3°  Par l'accession ou incorporation de la chose à une autre chose appartenant à un autre propriétaire, sauf l'indemnité due par celui qui se trouve enrichi; 4°  Par la destruction totale de la chose, sauf l'indemnité du propriétaire, si le fait est imputable à autrui; 5°  Par la prescription acquise à autrui; 6°  Par la révocation, la résolution ou la rescision d'une acquisition sujette à ces éventualités; 7°  Par la confiscation prononcée en vertu des lois pénales. 45. ............... Chapitre II. De l'usufruit, de l'usage et de l'habitation. 46. L'Usufruit est le droit d'user et de jouir, en bon administrateur, d'une chose dont un autre a la propriété, suivant sa destination et sans en changer la nature et la substance. Les règles particulières à l'Usage et à l'habitation sont exposées à la fin du présent chapitre. Section. 1re. De l'établissement de l'usufruit. 47. L'Usufruit est établi par la loi, par la volonté de l'homme ou par la prescription. Les cas d'usufruit légal sont déterminés au chapitre de la Puissance paternelle et au chapitre des successions. Les moyens de constituer volontairement l'usufruit sont les mêmes que ceux par lesquels la propriété s'acquiert et se transmet. La prescription de l'usufruit s'accomplit par le même délai et aux mêmes conditions que la prescription de la propriété. 48. L'usufruit peut être établi sur toute espèce de choses, mobilières ou immobilières, corporelles ou incorporelles, pourvû qu'elles soient dans le commerce. Il peut même être établi sur un autre usufruit ou sur une rente viagère. Il peut aussi être établi à titre universel, sur un patrimoine, soit sur tous les meubles ou tous les immeubles, soit sur tous les biens qui le composent, soit sur une part indivise des meubles, des immeubles ou de la totalité dudit patrimoine. 49. L'usufruit peut être constitué purement et simplement, ou pour un terme fixe, à partir duquel il doit commencer ou à l'expiration duquel il doit finir. Il peut aussi être subordonné à une condition dont l'accomplissement doit le faire commencer ou finir. L'usufruit constitué purement, à terme ou sous condition, ne peut excéder la vie de l'usufruitier. 50. L'usufruit peut être constitué sur une ou plusieurs têtes, pour être exercé, dans ce dernier cas, soit simultanément, soit successivement. Dans aucun cas, il ne peut être constitué qu'au profit de personnes déjà nées au moment de l'ouverture du droit. Section. IIe. Des droits de l'usufruitier. 51. L'usufruitier peut se faire mettre en possession de la chose soumise à l'usufruit, dès que son droit est ouvert et qu'il a rempli les obligations relatives à l'inventaire et au cautionnement, telles qu'elles sont établies à la section suivante. Il prend les choses en l'état où elles se trouvent, sans pouvoir exiger aucune réparation ou appropriation (mise en état de servir), à moins qu'elles n'aient été détériorées par la faute du constituant ou de son héritier depuis l'ouverture du droit, ou même antérieurement et de mauvaise foi. 52. L'usufruitier a droit aux fruits perçus par le nu-propriétaire entre le moment où le droit s'est ouvert et celui de son entrée en jouissance, lors même qu'elle aurait été retardée par son fait; à la charge de rembourser les frais faits pour la récolte et la conservation des fruits. A l'égard des fruits attachés au sol par branches ou racines, au moment de son entrée en jouissance, il a le droit de les percevoir à l'époque de leur maturité, sans indemnité au propriétaire pour les frais de labour, semences et cultures. 53. L'usufruitier a droit, comme le propriétaire lui-même, à tous les fruits naturels et civils produits par la chose pendant la durée de son droit. 54. Les fruits naturels, tant ceux produits spontanément par la terre que ceux obtenus par la culture, sont acquis à l'usufruitier dès leur séparation du sol, soit qu'il l'ait opérée lui-même, soit qu'elle ait été opérée en son nom, soit qu'elle ait eu lieu par accident ou même par l'effet d'un vol. Toutefois, si la séparation des fruits a eu lieu avant leur maturité, et que l'usufruit vienne à cesser avant l'époque ordinaire de la perception de ces fruits, le profit doit en être rendu au propriétaire. 55. Le croît (les petits) des animaux appartient à l'usufruitier dès leur naissance. Le lait, la laine et les engrais lui appartiennent également dès qu'ils sont recueillis. 56. Les fruits civils sont acquis à l'usufruitier, jour par jour, à partir de l'ouverture de son droit, jusqu'à la fin de l'usufruit, quelle que soit l'époque du payement par les tiers. Cette règle s'applique aux redevances en argent dues par des tiers, à raison des choses sujettes à usufruit: spécialement au prix des baux à ferme ou à loyer, aux intérêts des capitaux prêtés ou placés, aux arrérages des rentes et aux redevances des mines, minières et carrières exploitées par des tiers. 57. Si l'usufruit comprend des valeurs mobilières dont on ne peut user et jouir sans les consommer, comme l'argent comptant, les grains, vins et autres denrées, l'usufruitier peut les consommer ou les aliéner à charge de rendre, à la fin de l'usufruit, pareilles quantités et qualités, ou leur valeur; si l'estimation en a été faite au commencement de l'usufruit. La même règle s'applique aux marchandises composant un fond de commerce soumis à l'usufruit et aux autres choses fungibles déterminées à l'article 18 des Dispositions générales. 58. A l'égard du mobilier des habitations et des autres objets sujets à une détérioration plus ou moins prompte par l'usage, tels que les ustensiles, le linge et les vêtements, l'usufruitier peut en user suivant leur destination et les restituer en l'état où ils se trouvent à la fin de l'usufruit; pourvû qu'il n'y ait pas eu de détérioration grave par sa faute ou sa négligence. 59. L'usufruitier d'une rente viagère a le droit de percevoir les arrérages, comme le rentier lui-même. Celui qui a l'usufruit d'un usufruit antérieurement constitué exerce tous les droits qui appartiennent à l'usufruitier titulaire. 60. L'usufruitier d'un haras, d'un troupeau de bêtes à laine ou à cornes, d'une magnanerie, d'animaux de basse-cour et d'autres animaux déterminés seulement par l'espèce et le nombre, peut disposer chaque année d'une portion d'animaux qu'il n'est pas nécessaire de conserver, à charge de tenir le troupeau au complet au moyen du croît. 61. L'usufruitier jouit des bois taillis et des plantations de bambous, en faisant les coupes périodiques, conformément à l'usage et à l'aménagement suivis par les précédents propriétaires. Si l'aménagement n'avait pas encore été régulièrement établi, l'usufruitier se conforme aux usages forestiers des bois les plus voisins appartenant soit à l'Etat, aux départements ou aux communes, soit aux principaux propriétaires, en prévenant le nu-propriétaire un mois à l'avance. 62. A l'égard des baliveaux et arbres de futaie qui n'étaient pas mis en coupe réglée par les précédents propriétaires, l'usufruitier n'a droit qu'à leurs produits périodiques. Toutefois, si les bâtiments soumis à son usufruit ont besoin de grosses réparations, l'usufruitier peut y employer les arbres de futaie morts ou renversés par accident et même en faire abattre pour cet usage, s'il est nécessaire, après en avoir fait constater la necessité contradictoirement avec le nu-propriétaire. 63. L'usufruitier peut, à toute époque, prendre, dans les bois et plantations de bambous, les échalas, pieux et supports nécessaires au soutien des autres arbres. 64. Il peut prendre de jeunes arbres dans les pépinières, pour remplacer ou compléter les plantations du fonds. Il peut aussi vendre périodiquement les arbres et arbustes des pépinières, si telle était leur destination antérieure, ou si les produits excèdent les besoins du fonds sujet à usufruit. Mais, dans l'un et l'autre cas, il doit entretenir les pépinières avec de nouveaux plants ou semis. 65. Si le fonds sujet à usufruit contient des carrières, soit de pierre ou de marbre, soit de chaux, plâtre, ciment, sable, ou autres minéraux, déjà mises en exploitation et non soumises à la législation spéciale des mines, l'usufruitier en continue l'exploitation à son profit, comme les précédents propriétaires. Si les carrières ne sont pas en exploitation, l'usufruitier peut seulement prendre les matériaux nécessaires à l'entretien et à la réparation des bâtiments, murs et autres parties des biens sujets à son usufruit. Il usera aussi des tourbières et marnières, sous les distinctions qui précèdent. 66. Si l'usufruit comprend des mines dont l'exploitation est soumise à l'autorisation du Gouvernement, l'usufruitier se conformera à la législation spéciale des mines, en ce qui concerne le mode et les conditions de l'exploitation. 67. L'usufruitier jouit des alluvions ou attérissements et des îles ou autres accessions qui augmentent la propriété sujette à l'usufruit. Toutefois, si l'accession n'a eu lieu qu'à charge d'une indemnité à payer par le propriétaire, l'usufruitier doit en payer les intérêts au nu-propriétaire pendant la durée de son usufruit. Il n'a aucun droit sur le trésor qui serait découvert par un tiers dans le fonds sujet à usufruit. 68. L'usufruitier a, comme le propriétaire lui-même, le droit de chasse et de pêche sur le fonds sujet à l'usufruit. 69. L'usufruitier exerce toutes les servitudes réelles ou foncières appartenant au fonds usufructuaire; il est responsable envers le nu-propriétaire, s'il a laissé lesdites servitudes s'éteindre par le non-usage. 70. L'usufruitier peut exercer directement contre le nu-propriétaire et contre les tiers toutes les actions possessoires et pétitoires relatives à son droit de jouissance; Il exerce aussi, dans la mesure de son droit, les actions confessoires et négatoires relatives aux servitudes respectivement prétendues au profit ou au préjudice du fonds usufructuaire. 71. L'usufruitier, autre que le père ou la mère, peut céder son droit à titre gratuit ou onéreux, le donner à bail ou en usufruit, et même l'hypothéquer, quand la chose sujette à usufruit est elle-même susceptible d'hypothèque; Mais, dans tous les cas, les droits consentis par l'usufruitier sont subordonnés à la durée aux limites et conditions auxquelles l'usufruit est lui-même soumis. 72. L'usufruitier n'a droit, à la fin de l'usufruit, à aucune récompense à raison des fruits et produits qu'il aurait manqués à percevoir lors même qu'ils seraient encore attachés au sol, Il ne peut non plus réclamer du propriétaire aucune indemnité pour les améliorations qu'il aurait faites à la chose soumise à l'usufruit, encore que la valeur en soit augmentée, Il peut seulement enlever les constructions, plantations, ornements, et autres additions par lui faites, en rétablissant les choses dans leur état primitif. SECTION III. DES OBLIGATIONS DE L'USUFRUITIER. 73. L'usufruitier, avant d'entrer en possession des biens sujets à son droit, doit faire dresser, contradictoirement avec le nu-propriétaire, ou lui dûment appelé, un inventaire complet et exact des objets mobiliers et faire constater l'état des immeubles. 74. Si les deux parties intéressées sont présentes et capables ou valablement représentées, l'inventaire et l'état des immeubles pourront être faits sous signature privée; dans le cas contraire, ils seront dressés par un officier public. 75. L'estimation faite dans l'inventaire des choses fungibles vaut vente, si le contraire n'a été exprimé; à l'égard des choses non fungibles, l'estimation n'en vaut vente que si l'inventaire le mentionne expressément. Les frais d'inventaire et de prisée (estimation) sont à la charge de l'usufruitier et du nu-propriétaire, chacun pour moitié. 76. Si, lors de la constitution de l'usufruit, l'usufruitier a été dispensé de faire inventaire des meubles ou état des immeubles, le nu-propriétaire peut toujours y faire procéder, à ses frais, contradictoirement avec l'usufruitier ou lui dûment appelé, sans pouvoir, de ce chef, retarder l'entrée en jouissance de plus de dix jours après l'ouverture du droit. 77. Si l'usufruitier est entré en possession avant d'avoir fait procéder à l'inventaire et à l'état des biens, quand il n'en a pas été dispensé, il est présumé, jusqu'à preuve contraire, avoir reçu les immeubles en bon état. A l'égard des objets mobiliers, le nu-propriétaire pourra en prouver la consistance et valeur par toutes les preuves ordinaires, même par commune renommée. 78. L'usufruitier ne peut pareillement entrer en jouissance, sans avoir fourni une caution ou d'autres garanties suffisantes pour les restitutions et autres indemnités auxquelles il peut être tenu, à la fin de l'usufruit. 79. En cas de désaccord entre les parties sur la nature de la garantie à fournir, le tribunal pourra admettre l'engagement d'une personne notoirement solvable, ou le dépôt de sommes ou valeurs, soit à la caisse publique des dépôts et consignations, soit aux mains d'un tiers agréé par les parties; il pourra aussi admettre un gage ou une hypothèque. 80. A l'égard de la somme à garantir, le tribunal ne pourra la fixer au-dessous de la valeur estimative intégrale des objets mobiliers, lorsque l'estimation en vaut vente, ni au-dessous de la moitié de ladite valeur, lorsque l'estimation ne vaut pas vente. Mais, dans ce dernier cas, si, au cours de l'usufruit, l'usufruitier cède ou loue son droit sur les meubles estimés, la garantie sera toujours exigée pour la valeur estimative intégrale. Pour les immeubles, le tribunal arbitrera la somme à laquelle la garantie devra s'élever. 81. L'acte qui constituera la garantie contiendra, en même temps, l'engagement de la caution ou de l'usufruitier pour le montant des sommes fixées à l'article précédent. 82. Si l'usufruitier ne peut fournir une caution suffisante, soit pour les meubles, soit pour les immeubles, il est procédé comme il suit, à défaut de conventions entre les parties: Les denrées et autres choses fungibles sont vendues publiquement et le prix en est placé, avec l'argent comptant, soit à la caisse des dépôts publics, soit en rentes sur l'Etat, sous le nom des deux ayants-droit, et l'usufruitier en perçoit les intérêts ou arrérages; Les autres meubles restent en la possession du nu-propriétaire; Les immeubles sont donnés à bail à un tiers ou conservés à ce titre par le nu-propriétaire, et l'usufruitier perçoit les loyers ou fermages, sous la déduction des frais de réparation ou d'entretien et autres charges annuelles. 83. Si l'usufruitier ne peut donner qu'une garantie partielle, il aura, dans la même mesure, le choix des objets qui pourront lui être délivrés. 84. L'usufruitier peut être dispensé de fournir caution par le titre constitutif de son droit; mais cette dispense cesse s'il devient insolvable après l'ouverture de son droit. Les objets sont alors restitués au nu-propriétaire et il est procédé conformément aux deux articles précédents. L'usufruit légal des père et mère est toujours dispensé du cautionnement. Il en est de même de l'usufruit réservé, par le donateur à son profit sur les choses par lui données entre-vifs. 85. Dès que l'usufruitier est entré en jouissance, il doit veiller, en bon administrateur, à la conservation des choses usufructuaires. Il est responsable des pertes ou détériorations qui proviendraient de sa faute ou de sa négligence, sans préjudice des mesures autorisées contre lui par l'article 59, pour la sauvegarde des droits du propriétaire. 86. Si les choses soumises à l'usufruit ont péri, en tout ou en partie, par un incendie, l'usufruitier est présumé en faute, s'il ne fournit la preuve du contraire. 87. L'usufruitier est tenu de faire, sans recours, les réparations d'entretien des meubles et des immeubles. Il n'est tenu des grosses réparations que si elles sont devenues nécessaires par sa faute ou par le défaut de réparations d'entretien. S'il y fait procéder, même sans en être tenu, il n'a droit de ce chef, à aucune indemnité. 88. Le nu-propriétaire n'est pas tenu, non plus, des grosses réparations; s'il y fait procéder, il ne peut réclamer de l'usufruitier aucune contribution à la dépense. 89. Sont considérées comme grosses réparations des bâtiments: celles, même partielles, des murs principaux et des voûtes, le changement d'une ou plusieurs poutres principales, la réfection de la couverture entière; Sont aussi grosses réparations, celles d'un mur de soutènement d'une digue et d'un mur de clôture, soit en entier, soit sur une superficie de plus du dixième de la totalité. 90. L'usufruitier est tenu d'acquitter les contributions et autres charges publiques annuelles ordinaires, tant générales que locales, imposées au fonds dont il a la jouissance. A l'egard des charges ou contributions extraordinaires qui pourraient être imposées à la propriété pendant la durée de l'usufruit, le nu-propriétaire en paye le capital et l'usufruitier en supporte les intérêts annuels pendant la durée de l'usufruit. Sont considérées comme charges extraordinaires: 1°  Les emprunts forcés, 2°  Les impôts nouveaux ou les augmentations d'impôts anciens, lorsque l'acte législatif qui les a établies leur a donné la qualification de temporaires ou d'extraordinaires. 91. Si les bâtiments ont été assurés contre l'incendie, par le propriétaire, avant la constitution de l'usufruit, l'usufruitier peut être contraint à supporter l'intérêt des primes annuelles; à charge, par le propriétaire, de lui laisser la jouissance de l'indemnité payée en cas de sinistre. L'usufruitier peut aussi faire l'assurance, à ses frais, dans l'intérêt du propriétaire et dans le sien réunis; dans ce cas, il prélève sur l'indemnité le montant des primes par lui payées et il jouit du surplus. Les mêmes dispositions sont appliquées si l'usufruit porte sur des navires ou bateaux assurés contre les risques de mer. 92. L'usufruitier peut aussi n'assurer les bâtiments que pour la valeur de son droit d'usufruit; dans ce cas, il supporte seul les primes annuelles et, en cas de sinistre, le montant de l'indemnité lui appartient en toute propriété. Il en est de même, s'il assure les récoltes ou produits, contre les gelées, la grêle ou autres accidents naturels. 93. L'usufruitier universel ou à titre universel, d'une succession, tel qu'il est prévu à l'article 48 est tenu des intérêts des dettes qui la grèvent, dans la proportion de son émolument. Il supporte, dans la même proportion, les arrérages des rentes viagères ou pensions alimentaires dues par ladite succession. 94. L'usufruitier d'un ou plusieurs biens particuliers ne contribue pas au payement des dettes du constituant, lors même que les biens sujets à l'usufruit seraient grevés d'hypothèque ou de privilége. S'il est poursuivi comme détenteur, il a son recours contre le débiteur, sans préjudice de son action en garantie d'éviction contre le constituant ou son héritier, s'il y a lieu. 95. Dans les divers cas où une charge doit être supportée par le nu-propriétaire, pour le capital, et par l'usufruitier, pour les intérêts, il est procédé de l'une des trois manières ci-après: Ou le nu-propriétaire paye le capital et l'usufruitier lui en sert les intérêts annuels; Ou l'usufruitier fait l'avance du capital et le nu-propriétaire le lui rembourse à la fin de l'usufruit; Ou l'on vend une partie des biens usufructuaires jusqu'à concurrence de la somme exigible. 96. Si, pendant la durée de l'usufruit, un tiers commet sur le fonds quelque usurpation ou entreprise qui puisse compromettre les droits du nu-propriétaire, l'usufruitier doit dénoncer le fait à celui-ci; faute de quoi, il est responsable de tous les dommages causés et des prescriptions ou des droits de possession qui pourraient être acquis aux tiers. 97. Si le propriétaire soutient, comme demandeur ou défendeur, un procès concernant la pleine propriété du fonds, il doit appeler l'usufruitier en cause, et celui-ci supporte les intérêts des frais du procès; L'usufruitier supporte seul les frais de procès ne concernant que la jouissance seulement; Dans l'un et l'autre cas, l'usufruitier est exempt des frais, si la constitution de l'usufruit a eu lieu par un acte lui donnant droit à la garantie d'éviction. En aucun cas, l'usufruitier ne contribue aux frais des procès ne concernant que la nue-propriété. 98. Si, du nu-propriétaire ou de l'usufruitier, l'un n'a pas été mis en cause, quand il devait l'être, le jugement ne peut nuire à celui qui n'a pas été partie en cause; mais il peut lui profiter, conformément aux règles de la gestion d'affaires. SECTION IV. DE L'EXTINCTION DE L'USUFRUIT. 99. L'usufruit s'éteint par les mêmes causes qui mettent fin au droit de propriété, conformément à l'article 44 (14 du chapitre de la propriété). Il s'éteint encore: 1°  Par la mort de l'usufruitier, 2°  Par l'accomplissement du terme pour lequel il avait été établi, 3°  Par la renonciation expresse de l'usufruitier à son droit, 4°  Par le non-usage continu pendant trente ans, 5°  Par la révocation pour abus de jouissance de l'usufruitier. 100. Si l'usufruit a été constitué sur plusieurs têtes simultanément et par indivis, la part des usufruitiers décédés accroît (profite) aux survivants et l'usufruit ne s'éteint qu'au décès du dernier mourant. 101. L'usufruit constitué au profit d'une personne incorporelle s'éteint par le terme de 30 ans, s'il n'a été fixé pour une moindre durée. 102. La renonciation de l'usufruitier à son droit ne le décharge pas de ses obligations antérieures qu'il n'aurait pas exécutées. Elle ne peut nuire aux tiers qui avaient acquis des droits sur la chose du chef de l'usufruitier. 103. Le non-usage n'est pas opposable aux mineurs ni aux autres personnes contre lesquelles la prescription ne peut courir. 104. Si l'usufruitier commet sur la chose des dégradations irréparables ou s'il en compromet la conservation par défaut d'entretien ou par abus de jouissance, le tribunal pourra mettre la chose sous séquestre aux frais de l'usufruitier ou déclarer l'usufruit éteint au profit du nu-propriétaire, en fixant une somme ou portion de fruits ou revenus que celui-ci devra payer annuellement à l'usufruitier, jusqu'à l'arrivée d'une des autres causes d'extinction de l'usufruit. Le tribunal règlera, en même temps, le partage des fruits et produits de l'année courante. La valeur en argent ou en fruits due à l'usufruitier pour l'avenir lui sera acquise, jour par jour, à proportion du temps qu'aura duré l'usufruit pendant la dernière année. 105. La révocation de l'usufruit ne préjudicie pas à l'indemnité des dommages antérieurement causés par l'usufruitier. 106. Hors le cas prévu à l'article 104 les fruits et produits non recueillis par l'usufruitier [encore attachés au sol], au moment de la cessation de l'usufruit appartiennent au nu-propriétaire, sans indemnité des frais de culture ou d'exploitation; sauf les droits qui pourraient être acquis à un fermier. 107. Si un bâtiment usufructuaire est détruit en totalité, par accident ou par vétusté, l'usufruitier ne jouit ni du sol ni des matériaux; à moins que le bâtiment ne soit l'accessoire d'un domaine sujet à l'usufruit. 108. Si les bâtiments incendiés étaient assurés, soit par le propriétaire, soit par l'usufruitier, ce dernier jouit de l'indemnité, suivant les distinctions portées aux articles 91 et 92. 109. Si le fonds usufructuaire a été exproprié pour cause d'utilité publique, l'usufruitier jouit de l'indemnité. 110. Dans les cas prévus aux deux articles précédents, l'usufruitier donne caution pour les sommes dont il jouit, s'il n'en a pas été spécialement dispensé en prévision desdits cas. 111. L'usufruit d'un lac ou d'un étang s'éteint, quand le fonds vient à être desséché d'une façon permanente. Réciproquement, l'usufruit d'un sol labourable cesse, si le sol vient à être envahi d'une façon permanente par les eaux. 112. L'usufruit d'un troupeau ne s'éteint que par la perte totale du troupeau. Dans ce cas, si la destruction a eu lieu par un accident subit et imprévu, l'usufruitier doit rendre les cuirs au nu-propriétaire. APPENDICE. RÈGLES PARTICULIÈRES À L'USAGE ET À L'HABITATION. 113. L'usage est un usufruit restreint à la mesure des besoins de l'usager et à ceux de sa famille. L'habitation est le droit d'usage des bâtiments. 114. Sont considérés comme formant la famille de l'usager, pour déterminer la mesure de son droit d'usage ou d'habitation: son conjoint légitime, ses descendants ou ascendants légitimes, adoptifs et naturels, habitant avec lui et les serviteurs attachés à leur personne. 115. Si le titre constitutif ou une convention ultérieure ne détermine pas le mode d'exercice du droit d'usage d'un fonds de terre, ni les bâtiments où s'exercera l'habitation, le tribunal les déterminera, après avoir entendu les parties contradictoirement. 116. L'usage et l'habitation ne peuvent être cédés ni loués. 117. Au surplus, les droits d'usage et d'habitation s'établissent de la même manière et s'éteignent par les mêmes causes que l'usufruit. Ils obligent de même à faire un inventaire des meubles et un état des immeubles et à donner caution. Ils entraînent la même contribution proportionnelle aux charges annuelles et aux frais de procès.